Juin 1812 : début de la captivité de Pie VII au château de Fontainebleau
Séparé de son entourage et de ses cardinaux enfermés à Vincennes ou exilés en province, Pie VII arrive en juin 1812 à Fontainebleau où il avait déjà été invité en 1804, au terme d'un voyage long et éprouvant. Afin de sauver les apparences, il est traité en hôte et non en captif.
Il retrouve le superbe appartement de 11 pièces qui avait été autrefois celui d’Anne d’Autriche, remeublé et redécoré entretemps pour Hortense et Louis Bonaparte, mêlant les meilleurs meubles de Jacob-Desmalter et Marcion aux prestigieuses tapisseries des Gobelins héritées de l’Ancien Régime. L’empereur lui fait constituer une Maison, dont les frais sont réglés par le service du grand maréchal du palais de l’Empereur.
Cependant, le pape refuse de se prêter à la comédie de cour que l’on voudrait lui faire jouer. Il ne profite presque pas des jardins et d’ailleurs, est très souvent malade. Sa réclusion volontaire dans ses appartements suscite l’ironie du ministre de la Police Savary, qui raconte dans ses Mémoires que le pape « raccommodait lui-même les déchirures faites à ses habits ; quelquefois il mettait un bouton à sa culotte ; il lavait sa simarre, parce qu'il avait l'habitude d'y laisser tomber beaucoup de tabac. Il fallait avoir une bonne dose d'illusion pour croire à l'infaillibilité d'un souverain pontife qui se voyait réduit à cette misère ».
Les archives montrent que le pape lit beaucoup durant sa captivité, principalement pour tromper l’ennui. Il emprunte ainsi dans la riche bibliothèque du château les 24 volumes de l'Histoire de l'Église de l'abbé Bérault-Bercastel, mais aussi les Œuvres de Saint-Cyprien, et plusieurs livres tels un Cours de droit canon, le traité sur l'Autorité du Pape de Fénelon et les Actes du concile de Trente.
Début 1813, de retour de la catastrophique campagne de Russie, Napoléon tente une dernière fois de négocier avec le pape. La cour fait ainsi un voyage inattendu à Fontainebleau du 19 au 27 janvier. La générale Durand, femme de chambre de Marie-Louise, évoque ce séjour improvisé, par un froid glacial : « C’était une chose très plaisante que le désordre que ce voyage imprévu occasionna. Personne n’avait de domestique, point de femme de chambre, point de bonnet de nuit, rien enfin pour la toilette ; avec cela il faisait un froid excessif ; l’eau gelait auprès du feu ».
Au bout de plusieurs jours de négociations, accablé, subissant les pressions et même les menaces de l’empereur, ébranlé par les conseils de trois cardinaux « rouges », autrement dit partisans de Napoléon, Lattier de Bayane, Ruffo et Doria Pamphili, le pontife cède et accepte de signer un nouveau Concordat le 25 janvier. Napoléon fait aussitôt annoncer ce nouvel accord dans la presse. Autorisé à recevoir quelques-uns de ses proches, les cardinaux « noirs » Di Pietro, Litta, Gabrielli, Consalvi et Pacca, il finit par se rétracter, à la grande fureur de Napoléon.
Ce dernier, pris par les préparatifs de sa nouvelle campagne en Saxe, n’a cependant plus guère le temps de s’occuper des affaires religieuses. Battu à Leipzig en octobre 1813, se préparant à affronter les Alliés sur le territoire français, il décide en janvier 1814 de rendre sa liberté au pape, craignant que ses adversaires ne parviennent jusqu’à Fontainebleau pour le délivrer. De plus, le royaume d’Italie, envahi par l’Autriche, est sur le point de s’effondrer, son beau-frère Murat, roi de Naples, venant de déclarer la guerre à la France. Dans ce contexte, le retour du pontife dans ses États est l'occasion de perturber le jeu politique dans la péninsule, gêner les nouvelles ambitions de Murat et, potentiellement, retarder l’avancée des troupes napolitaines vers le Nord de l’Italie et la frontière française.
Le Souverain pontife quitte Fontainebleau le dimanche 23 janvier 1814 sous bonne escorte et après un court séjour à Savone du 16 au 19 mars, est remis aux autorités autrichiennes le 25 mars. Dès lors, le pape n'a de cesse de revendiquer ses possessions temporelles, entamant des démarches diplomatiques auprès des souverains alliés, avant de rentrer triomphalement dans Rome le 24 mai 1814.
Dans son exil à Sainte-Hélène, Napoléon ne parlera que très peu de la captivité du pape à Fontainebleau, conscient qu’il s’agissait là d’un de ses plus grands échecs, même s’il se défendra d’avoir « emprisonné » le pape, estimant que celui-ci avait été logé dans un palais avec tous les honneurs dus à son rang. Mais le chef du Vatican avait fait le choix de se cloîtrer dans sa chambre comme dans une cellule tel un captif, plutôt que comme un hôte de marque...