Mai 1802 : création de l'École spéciale militaire de Fontainebleau

L'École spéciale militaire

Une École « destinée à enseigner [...] des élèves sortis des lycées »

Par la loi du 11 floréal an X (1er mai 1802), le Premier Consul institue une École spéciale militaire pour 500 élèves à Fontainebleau :

« Il sera établi dans une des places fortes de la République, une école spéciale militaire destinée à enseigner à une portion des élèves sortis des lycées, les éléments de l’art de la guerre. Elle sera composée de 500 élèves formant  un bataillon, et qui seront accoutumés au service et à la discipline militaire… Sur les 500 élèves, 200 seront pris parmi les élèves nationaux des lycées, et 300 parmi les pensionnaires et les externes, d’après les examens qu’ils subiront à la fin de leurs études. Chaque année il sera admis 100 des premiers et 150 des seconds ; ils seront entretenus pendant deux ans aux frais de la République dans l’école spéciale militaire : ces deux années leur seront comptées pour temps de service. Le gouvernement, sur le compte qui leur sera rendu de la conduite et des talents des élèves de l’école spéciale militaire, pourra en placer un certain nombre dans les emplois de l’armée qui sont à sa nomination. L’école spéciale militaire sera comprise dans les attributions du ministre de la guerre. »  (titre VI de la loi)

Il est à noter que des créations non pérennes d’écoles militaires ont été tentées sous l’Ancien Régime. Napoléon Bonaparte lui-même en est un produit puisqu’il a été formé aux armes au sein de l’École de Brienne puis de l’École militaire créée à Paris en 1751.

Un arrêté du gouvernement du 8 pluviôse an XI fixe l’organisation de cette nouvelle école, dont suit un règlement de 19 articles. L’empereur lui donne le titre d’École spéciale impériale militaire en 1805.

L’installation à Fontainebleau

L’école est installée au château de Fontainebleau, à la place de l’école centrale. Le château est alors dans un état de délabrement et d’abandon au sortir de la Révolution. En son sein, la nouvelle école occupe une partie de l’aile du bâtiment de Louis XV, la cour du Cheval Blanc et les bâtiments qui l’entourent, sauf la chapelle et une partie de la galerie François Ier, et une partie du parc. Le « Commun » à l’ouest de la cour du Cheval Blanc est rasé en 1809 pour être remplacé par la grande grille encore en place aujourd’hui. Cette installation implique également le rachat du vieux et du nouveau chenil, des vieilles écuries de la reine, des anciens bureaux de la guerre, du corps de garde des Suisses et de la salle de spectacle : ces espaces avaient été aliénés comme domaines nationaux quelques années auparavant. Des travaux furent d’emblée nécessaires pour remettre en état l’ensemble de ces bâtiments.

Le manège, aujourd’hui situé à côté du jardin anglais, a été édifié en 1807 pour les élèves de la cavalerie.

Plus de 2 000 sous-lieutenants formés

L’instruction des élèves

L’éducation dispensée y est exclusivement militaire. Les élèves sont âgés de 16 à 20 ans et sont ou pensionnaires (pour 1200 francs) ou boursiers.

Ces élèves sont des soldats, soumis à ce titre à une sévère discipline militaire telle que celle qui est exigée dans les régiments : appels, corvées, tenue, inspections, etc. Ils forment au sein de l’Ecole deux bataillons, divisés en neuf compagnies dont une d’élite, chacune commandée par un sous-officier pris parmi les élèves. En effet, chaque élève, au bout de six mois après son admission, devait être en mesure d’instruire ses pairs. Comme à l’armée, ils touchent une solde : elle est de 30 centimes par jour, dont la moitié est prélevée pour l’achat et l’entretien du « petit équipement » fourni à chacun (linge et chaussures). Ils sont logés en « chambrées » et font eux-mêmes leur cuisine et les corvées de chambre.

Les enseignements délivrés portent sur le maniement des armes, les mathématiques, le levé de plans, les fortifications, l’administration militaire, l’histoire, la géographie, les lettres, etc. À cela s’ajoutent des exercices physiques comme les manœuvres d’artillerie, l’équitation, le gymnase ou la natation.

L’administration de l’Ecole

L’École spéciale militaire, sous la surveillance directe du ministre de la Guerre, est commandée par Berthier, vice-connétable et chef de la première cohorte de la Légion d’honneur, qualité au titre de laquelle il résidait à Fontainebleau à l’hôtel Pompadour. Sur place, la direction des études appartient au général Bellavène, assisté du colonel Kuhmann, des commandants Petit et Dornier, du commissaire des guerres Damesme et de l’aumônier et bibliothécaire Méhérenc de Saint-Pierre. Les professeurs sont nommés par le premier Consul, gage d’excellence de leur enseignement, tout comme les élèves qui y entrent.

Départ de Fontainebleau

À cause du besoin systématique de soldats formés pour rejoindre les troupes engagées dans les guerres napoléoniennes, les élèves quittent l’École au bout d’un an, sans respect donc du temps de formation d’une durée de deux ans imposé par le règlement. L’École de Fontainebleau avait formé plus de deux mille sous-lieutenants en infanterie et cavalerie lorsqu’elle a été transférée à Saint-Cyr en 1808. Les élèves, toujours plus nombreux, étaient à l’étroit dans des locaux nécessitant en outre des travaux d’agrandissement et de réparations de plus en plus urgents.

De plus, Napoléon souhaitait se réserver l’exclusivité des bâtiments du château de Fontainebleau pour les besoins de la cour : il avait déjà repris à l’École en 1804 l’étang et le carrousel et en 1807 une aile de la cour du Cheval Blanc. Il choisit donc de déménager l’École spéciale militaire à Saint-Cyr où les locaux étaient disponibles suite au déménagement du Prytanée à La Flèche.

L’empereur a également créé en 1809 à Saint-Germain une école militaire spécialisée dans la cavalerie, où la formation y était de 3 à 4 ans. Celle-ci a également rejoint l’entité de Saint-Cyr au bout d’à peine cinq ans d’existence, en 1814.

Sources et bibliographie :
  • Lhuillier Théophile, L’École centrale et l’École militaire de Fontainebleau : an IV-1808, Paris, 1872 (AZ9857),
  • Titeux Eugène, Saint-Cyr et l’école spéciale militaire en France, Fontainebleau – Saint-Germain depuis leur fondation jusqu’en 1896, Paris, 1914-1915 (F°6),
  • Plan de l'École spéciale militaire du château de Fontainebleau, 1803, F°6_1, archives départementales de Seine-et-Marne.

Voir aussi